Retour sur le projet d'habituation des gorilles des plaines de l'Ouest
« Bonjour à tous ! Voici les nouvelles concernant l'habituation du 2ème groupe de gorilles.
Premièrement, nous lui avons donné un nom ; ce dernier a été choisi par les pisteurs en fonction de l'habitat que fréquente ce groupe la majorité du temps : Bouka Mokongo.
En Ba-aka, langue des pisteurs pygmées de République Centrafricaine, cela signifie « Casser le dos ». Si on décompose ce mot, Ebouka signifie « les fourrées denses » et Mokongo, « le dos qui souffre. En fait pour suivre ces gorilles, nous sommes obligés de traverser cette végétation luxuriante et travailler en grande partie en rampant à travers des amas de lianes.
En ce qui concerne le protocole d'habituation, il se divise en 6 phases (protocole mis en place par Dian DORAN, primatologue de renommée mondiale, de l'Université de Stony Brouks, New York).
1. Fuite et peur accompagnées de vocalisations
2. Départ immédiat dès notre présence détectée
3. Agressions et menaces : charges + vocalisations
4. Agités mais restent + Menaces
5. Conduite curieuse et agression des femelles
6. Ignorance, abstraction de notre présence
En ce moment, nous sommes dans la phase de transition entre le 3 et 4ème point, le mâle au dos argenté ne nous a pas encore accepté, mais nous pouvons rester en contact direct à une distance de 10 mètres même parfois pendant 10 minutes. C'est bon signe ; si nous ne perdons pas les traces et pouvons par conséquent suivre le groupe quotidiennement, à priori d'ici décembre le dos argenté nous aura accepté.
En tout cas, l'évolution des contacts est très positive ; les spécialistes sont étonnés de la vitesse à laquelle va le protocole (avec Kingo, mâle du groupe déjà habitué, cela avait mis 7 ans !!!!).
Le travail le plus long sera l'habituation avec les femelles car elles ont vraiment des difficultés à accepter la présence de l'homme.
En ce moment, le suivi n'est pas évident car les gorilles fréquentent régulièrement une zone appelée Baï (en Ba-Aka : « Le village des éléphants »). Il s'agit en fait d'une vaste clairière proche d'un cours d'eau, fréquentée par de nombreux mammifères qui viennent s'y nourrir sur la végétation aquatique. Les gorilles s'y rendent principalement pour manger une herbe aquatique (Hydrocharis chevalieri ou " Kongwasica ") et encore deux espèces de fruits (Nauclea diderrichii, Grewia oligoneura).
La présence de nombreux groupes de gorilles sur le site de Mondika (4.5/Km2) rend parfois le pistage difficile lorsque différentes traces se chevauchent ou encore quand il y a une interaction entre un mâle solitaire et le groupe ou bien entre 2 groupes. De plus, la végétation dense dans cette région ne facilite pas notre travail : partout où les gorilles passent nous pouvons également passer mais en mettant 3 fois plus de temps...
A bientôt ». Matthieu